La résiliation anticipée du bail commercial par le bailleur

La résiliation anticipée du bail commercial par le bailleur

Conformément à l'article L 145-4 du Code de commerce, la durée d'un bail commercial ne peut pas être inférieure à 9 ans. 

Normalement, le bailleur est lié avec son locataire jusqu'au terme du bail.

Il ne peut résilier le bail commercial conclu avec son locataire qu’à l’issue de son terme, c'est à dire en délivrant un congé avec ou sans offre de renouvellement en respectant un préavis de 6 mois.

Néanmoins, le bailleur a plusieurs options afin de résilier le bail sans attendre le terme du bail.  

En effet, le bailleur dispose d'une faculté de résiliation triennale pour certains motifs.

Il peut également résilier le bail commercial amiablement ou judiciairement.

Les congés triennaux délivrés par le bailleur 

Conformément aux dispositions de l’article L145-4 du Code de commerce, le bailleur a la possibilité de résilier tous les trois ans le contrat de bail commercial en respectant un préavis de 6 mois avant l’échéance triennale pour les motifs suivants :

Le bailleur peut délivrer congé à son locataire au terme d'une période triennale, s'il entend soit construire un nouvel immeuble sur un terrain non construit et déjà partiellement construit, soit démolir l'immeuble et le reconstruire.

Dans ce dernier cas, la démolition devra être complète.

A défaut, la démolition partielle entraîne les conséquences d'un congé avec refus de renouvellement.

Le bailleur qui déclare vouloir construire ou reconstruire est présumé sincère, mais le congé peut être annulé, s'il apparaît qu'il avait une autre intention (CA Paris, 16e ch. A, 26 avr. 2000 : absence de travaux pendant six ans). 

Le bailleur devra verser au locataire évincé une indemnité d’éviction sauf s’il lui offre un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent.

Le congé doit alors préciser les conditions du relogement proposé et le locataire dispose d'un délai de trois mois pour répondre.

En cas d'accord sur ce dernier, le locataire pourra recevoir une indemnité couvrant sa privation temporaire de jouissance, la moins-value éventuelle de son fonds et ses frais normaux de déménagement et d'emménagement.

Pour faciliter les travaux de restauration immobilière, le bailleur peut reprendre les lieux loués, soit à la fin du bail, soit à l'occasion d'une échéance triennale en versant une indemnité d'éviction, à la condition que l'immeuble soit compris dans un secteur ou périmètre prévu aux articles L 313-4 et L 313-4-2 du Code de l'urbanisme.

Le bailleur peut également suspendre le bail, à l'expiration d'une période triennale, pendant une durée maximale de trois ans, s'il entend surélever l'immeuble et si cette surélévation rend nécessaire l'éviction temporaire du locataire.

Le locataire aura droit dans ce cas à une indemnité égale au préjudice subi qui ne peut toutefois excéder trois ans de loyer.

Lorsque les travaux de surélévation sont terminés, le bail reprend son cours et le locataire réintègre les locaux.

Le bailleur a le droit à une faculté supplémentaire de résiliation anticipée partielle du bail lui permettant de reprendre possession des logements intégrés dans l'assiette d'un bail commercial et demeurés inhabités six mois après notification de cette intention de reprise.

Dans ce cas, le loyer est réduit à proportion des locaux repris, mais cette reprise n'est pas constitutive d'un motif de déplafonnement au sens de l'article L 145-34 du Code de commerce. 

Cette disposition présente la particularité de déroger au principe d'indivisibilité du bail commercial en permettant la délivrance d'un congé partiel.

Le congé ne doit être délivré que sur la partie du terrain indispensable à la construction d'habitation projetée. L'obtention du permis de construire doit être préalable au congé.

Sauf offre d'un local de remplacement faite au locataire, le bailleur aura l'obligation de payer une indemnité d'éviction.

Enfin, la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ÉLAN », a inséré à l'article L. 145-4 du Code de commerce la possibilité pour le bailleur de délivrer un congé à l'issue d'une période triennale, afin de « transformer à usage principal d'habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ».

Les exigences concernant la nature des travaux entrepris par le bailleur sont assez souples puisqu'il peut s'agit d'une simple réhabilitation. 

En outre, l'immeuble devra avoir un usage « principal » d'habitation, et non un usage exclusif d'habitation, ce qui autorise dès lors le propriétaire à conserver au sein de l'immeuble un usage commercial à titre accessoire.

Sauf offre d'un local de remplacement, le bailleur ne peut se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction.

Toutefois, cette nouvelle possibilité qui s'offre au bailleur devra intervenir dans les conditions antérieures à savoir celles prévues aux articles précités L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 ou L. 145-24 du Code de commerce.

En pratique, le bailleur donne rarement congé pour l’un de ces motifs.

La résiliation amiable du bail commercial

En dehors des cas où l’une ou l’autre des parties entend résilier le bail commercial, les parties peuvent s’accorder sur une résiliation amiable et anticipée du bail.

Les parties peuvent ainsi résilier le bail commercial à tout moment, à condition que leur accord soit certain et non-équivoque (Cass. Civ. 3ème, 23 mars 2011, n° 10-10.226).

Une telle issue amiable permet d’obtenir la libération rapide des locaux donnés à bail, en engageant des coûts plus limités qu’une procédure devant le Tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble, laquelle comporte nécessairement un aléa judiciaire.

Néanmoins, il convient de garder à l’esprit que le locataire n’est en aucun cas tenu d’accepter un accord et peut décider de le refuser tant qu’il n’est pas acté.

En effet, la volonté d'une seule partie n'est apte à mettre fin au bail que dans les cas prévus par la loi, c'est à dire : 

- Aux échéances triennales ;

- Au terme du contrat ;

- A tout moment au cours de la prolongation tacite, sous réserve de respecter le préavis et le terme trimestriel. 

Ainsi, en pratique, si la négociation, dans laquelle le Cabinet peut naturellement vous assister, aboutit, il sera opportun de concrétiser l’accord des parties par la signature d’un protocole transactionnel, aux termes duquel :

  • Les parties s’accordent sur une résiliation amiable immédiate du bail en cours ;

  • Elles fixent les délais de libération des lieux ;

  • Elles établissent le solde du loyer et des charges et le sort du dépôt de garantie.

Le bailleur pourra remettre en location le local commercial après le départ du preneur et conclure un nouveau contrat de bail commercial.  

Les parties doivent prêter une attention particulière aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce car l'article L 143-2 du Code de commerce précise que :

"La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu'un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles déclarés par eux dans leurs inscriptions."

Celle-ci peut intervenir par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou acte délivré par un Commissaire de justice.

La résiliation judiciaire du bail 

La résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire 

Le bail commercial peut être résilié de plein droit par l’effet de la clause résolutoire stipulée au bail.

Le régime de la clause résolutoire est régi par les dispositions, d'ordre public, de l'article L 145-41 du Code de commerce :

"Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai."

Pour mettre en œuvre la clause résolutoire, le bailleur doit s’assurer que :

  • La clause résolutoire figure bien dans le bail ;

  • Le locataire a manqué à une stipulation expresse du bail, c’est-à-dire une obligation ou interdiction clairement indiquée dans le bail ;

  • Un commandement de payer ou une sommation de faire a été délivré par un Commissaire de justice (anciennement Huissier de Justice) au locataire d’avoir à s’exécuter dans le délai d’un mois ;

  • L’infraction a persisté au-delà du délai d’un mois accordé par le commandement de payer ou la sommation de faire.

S'il n'est pas mis fin à l'infraction avant l'expiration du délai d'un mois, la clause résolutoire est acquise et le bail est résilié permettant l'expulsion du preneur. 

Dans la plupart des cas, le locataire refuse de quitter les lieux en dépit de la résiliation intervenue.

Le juge doit ainsi être saisi par assignation afin de constater l'acquisition de la clause résolutoire et toutes les conséquences qui en découlent (expulsion, condamnation du locataire aux impayés, etc.).

Le juge n'a pas le pouvoir d'apprécier la gravité du manquement invoqué mais devra contrôler que l'existence des conditions, énoncés ci-avant, sont réunies.

Concernant les créanciers inscrits, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile déclaré par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

Cette procédure doit être conduite par un avocat puisque la représentation par avocat est obligatoire. 

La résiliation judiciaire du bail commercial pour manquement suffisamment grave

Si le manquement du locataire n’est pas prévu par la clause résolutoire, le bailleur pourra demander la résiliation judiciaire du bail, à tout moment, mais seulement en cas de manquement suffisamment grave du preneur à ses obligations contractuelles, ce dont fait état l'article 1224 du Code civil.

​Par exemple, un changement de destination non autorisé ou le défaut d'exploitation peuvent constituer des manquements suffisamment graves du preneur entraînant la résiliation du bail. 

Dans cette procédure, le juge devra apprécier la gravité du manquement.

Cette procédure doit être conduite par un avocat puisque la représentation par avocat est obligatoire. 

Conclusion

Le bailleur dispose donc des options suivantes pour résilier par anticipation le bail commercial :

  • En délivrant un congé triennal pour un des motifs énoncés ci-avant ;

  • En résiliant amiablement le bail avec son locataire ;

  • En résiliant judiciairement le bail par la mise en oeuvre de la clause résolutoire ou en cas de manquement suffisamment grave du locataire.

Il est donc primordial de se rapprocher d’un avocat afin d’évaluer ses options et sécuriser ses intérêts.


Cet article est également à retrouver sur le site village justice : https://www.village-justice.com/articles/resiliation-anticipee-bail-commercial-par-bailleur,51461.html

ArticlesBenjamin Vidal